Offrandes. Le secret du Tupa 13

Publié le par Catherine Picque

 

Des frissons parcouraient son corps enroulé dans un petit fei fei qui avait glissé au cours de la nuit. Des bribes de son rêve lui revenaient en mémoire comme le ressac des vagues sur le récif, par flots entiers, trop importants et rapprochés pour être analysés. Une image dominait l'écume : Philibert entouré de guerriers maoris qui lui donnaient une coupe en coco remplie d'un breuvage, puis cette sensation de bien-être et de légèreté absolue, qu'elle avait ressentie en même temps que son ami botaniste.

Il lui semblait qu'elle avait elle aussi, bu dans cette coupe, mais en se levant de son lit, il lui apparut que l'attraction terrestre était toujours présente dans sa chambre à coucher, au moment où elle trébucha sur la pile de livres amoncelés la veille. Elle avait ressorti de leur malle métallique tous les livres de botanique accumulés depuis son enfance lors des Noël et des anniversaires. Elle n'était pas parvenue à trouver une réponse satisfaisante à la question qui la taraudait : « Comment tuer quelqu'un en faisant croire à une embolie ? ». En se rétablissant sur la pointe des pieds, elle remarqua la photo d'un petit arbuste qu'un de ses orteils masquait en partie : un poivrier ? En effet émergeaient de ses ongles vernis de petites lettres en italiques : piper. Elle se baissa pour récupérer la revue scientifique qu'elle avait aussi sortie dans sa frénésie, sans en consulter les articles. La photo du petit arbuste attira de nouveau son regard, il avait poussé à l'intérieur d'un tronc creux de fougère arborescente : son nom complet était Piper methysticum. Il lui semblait qu'elle avait déjà rencontré cette espèce au cours de ses recherches pour son livre sur les remèdes maoris, qu'elle avait commencé à rédiger pendant ses périodes de chômage à Raïatea, entre deux remplacements à la pharmacie.

Maeva se dit qu'après une bonne tasse de thé, ce petit arbre arrêterait de la tarabuster, et se dirigea vers sa gazinière pour mettre la bouilloire sur le feu. Ce matin Désiré n'était pas là pour lui préparer son breuvage favori, et lui en déposer une tasse bien chaude sur sa table de nuit, comme une offrande à leur amour. Le sifflement de la bouilloire perça sa rêverie, au moment où venait se superposer à l'image de son compagnon attentionné, celle d'un guerrier maori qui tendait également une offrande liquide, tout en prononçant… une incantation. Le bruit strident de la vapeur sortant du bec de la bouilloire ne lui avait permis d'entendre qu'une syllabe « va ». Elle n'avait pas la gueule de bois, mais elle décida tout de même d'appliquer les mêmes remèdes à ses symptômes inconnus. Elle se dirigea sous la douche après avoir descendu une bonne théière brûlante. En attrapant la serviette de bain, elle se rendit compte que c'était la deuxième fois ce matin qu'elle avait des frissons, il ne faisait pourtant pas froid en janvier à Raïatea. Elle était en train de passer à côté de quelque chose d'important, ces frissons étant certainement des alertes répétées de son instinct. Quelqu'un la prévenait-elle d'un danger ? Cette nuit, Philibert lui était apparu, et maintenant elle en était certaine, elle ne l'avait pas appelé la veille au moyen de leur formule. Voulait-il la protéger ? Allait-elle être la prochaine victime d'un empoisonnement ? Pourquoi ne parvenait-elle pas à décrypter ce rêve ?

Publié dans Roman policier

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